Table ronde Med.tn sur la lutte contre le tabagisme en Tunisie

La plateforme médicale www.med.tn a organisé, ce mardi 23 mai 2023, une table ronde, visant à explorer la réduction des risques en tant que nouvelle approche pour lutter contre le tabagisme. L’évènement a réuni trois éminents de différentes spécialités à savoir : Dr Dhaker Lahidheb, cardiologue et ancien professeur à la faculté de médecine de Tunis et à l’hôpital Militaire, Dr Yosra Jemli, psychothérapeute, sexologue et addictologue et Dr Zoubair Chater, médecin nutritionniste.

Selon l’Organisation Mondiale de la Santé, 8 millions de personnes dans le monde meurent chaque année à cause du tabagisme dont 13.200 personnes en Tunisie, le tabagisme passif est responsable du décès de 2.600 personnes. Le tabagisme est le principal facteur de maladies cardiaques et vasculaires, représentant la principale cause de décès en Tunisie. La Tunisie se classe 3ème dans le monde arabe en termes de taux de tabagisme et 49ème à l’échelle mondiale.

Aider les fumeurs à arrêter à adopter des alternatives moins nocives coûterait moins que de soigner

Le panel des médecins a commencé par revoir en détails la situation liée au tabagisme en Tunisie, tout en soulignant la limite des politiques de santé adoptées depuis des décennies et le fardeau que représente cette addiction pour les personnes mais aussi pour les finances publiques.  Dr Zoubair Chater a déclaré « Les statistiques sur le tabagisme en Tunisie en 1996 n’ont pas beaucoup changé par rapport aux statistiques de 2019. En 1996, 30% des adultes fumaient, dont 55% d’hommes et 2% de femmes, contre 22,8% de fumeurs en 2019, dont 45% d’hommes et 2% de femmes. ». Il a souligné que 50% des fumeurs sont atteints de diabète et d’hypertension artérielle et sont exposés à un risque élevé de caillots sanguins après l’âge de 50 ans. Un tiers des fumeurs sont susceptibles de développer une hypertension artérielle à l’âge de 30 ans.

« Après avoir arrêté de fumer, les fumeurs bénéficient d’une meilleure qualité de vie. Le rythme cardiaque, la respiration s’améliorent et le goût et l’odorat sont également récupérés. C’est pourquoi certaines personnes peuvent remarquer une prise de poids après avoir arrêté de fumer » il a ajouté.

De son côté, Dr Lahidheb a affirmé que « Fournir des moyens d’arrêter de fumer aux fumeurs coûterait beaucoup moins à l’État que de leur pourvoir des soins par la suite. Selon les dernières statistiques du ministère de la santé, la prise en charge des maladies liées au tabagisme coûte à l’État 2 milliards de dinars par an et représente 1,8% du PIB de la Tunisie ».

Il a précisé que plusieurs pays développés se dirigent vers un avenir sans fumée, la proportion des fumeurs dans ces pays diminue à un rythme très rapide grâce à la réduction des risques. « Nous pouvons prendre l’exemple de la Nouvelle-Zélande ou encore le Royaume-Uni qui a lancé récemment un nouveau programme national visant à aider un million de fumeurs à arrêter la cigarette en leur fournissant gratuitement des kits de vape en plus d’un soutien comportemental. » il a ajouté.

« Les moyens d’arrêter de fumer, tels que les patchs nicotiniques, ne sont pas toujours disponibles en Tunisie, contrairement aux cigarettes que nous trouvons partout. Par ailleurs, les alternatives aux cigarettes, comme la vape, comportent moins de risques que les cigarettes ordinaires, mais elles ne sont pas totalement sans danger. Le tabac chauffé peut être utilisé comme alternative pendant la période de transition entre la dépendance et l’arrêt complet. »

« Nous devons sensibiliser les adolescents et les jeunes et interdire la vente de cigarettes de contrebande et contrefaçon qui contiennent des substances inconnues et extrêmement nocives pour leurs utilisateurs. Nous devons également dédier des espaces aux fumeurs et interdire le tabagisme dans les lieux publics. Les médias peuvent jouer un rôle efficace dans la sensibilisation aux dangers du tabagisme, il est donc nécessaire d’utiliser tous les moyens pour atteindre les fumeurs et les influencer. » a constaté Dr Lahidheb.

Combiner thérapie comportementale et utilisation de substituts nicotiniques

Dr Yosra Jemli a affirmé que la dépendance à la cigarette résulte d’une combinaison de facteurs biologiques et comportementaux, modifiant les récepteurs neuronaux du cerveau et augmentant les niveaux d’hormones liées au plaisir et à la concentration. Elle a expliqué que la dépendance comportementale est une dépendance sociale qui consiste à essayer de s’intégrer dans son entourage alors que la dépendance biologique est liée à la consommation de nicotine présente dans les cigarettes. C’est une substance qui favorise la libération de dopamine, l’hormone du bonheur et du bien-être chez l’homme. Cela pousse la personne à chercher constamment cette euphorie causée par les cigarettes.

Elle ajoute : « Les cigarettes sont considérées par les très jeunes comme un symbole de virilité, de rébellion et de force. C’est un concept que nous nous efforçons de combattre. Nous devons ancrer l’idée que le fumeur est une personne malade qui mérite un traitement».

En conclusion, les experts médicaux ont insisté sur l’importance d’avoir une approche holistique qui combine la thérapie comportementale et l’utilisation de substituts nicotiniques pour lutter contre le tabagisme. La thérapie comportementale aide les fumeurs à modifier leurs habitudes et à faire face aux déclencheurs associés à la consommation de tabac, tandis que les substituts nicotiniques fournissent une alternative contrôlée à la nicotine présente dans les cigarettes comme les patchs, la vape ou encore le tabac chauffé.

 

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